










La Zone de Libre-Échange Continentale Africaine passe de la théorie à la pratique. Focus sur les corridors qui transforment le commerce intra-africain.
Lancée officiellement en 2021, la Zone de Libre-Échange Continentale Africaine (ZLECAf) a suscité d'immenses espoirs : créer le plus grand marché unique au monde, stimuler le commerce intra-africain et accélérer l'industrialisation du continent. Cinq ans plus tard, après une phase inévitable de négociations complexes et de ratifications, les premiers effets concrets commencent à se matérialiser. Loin des grandes déclarations, c'est au niveau des corridors commerciaux que la révolution se joue, connectant les économies et changeant le quotidien des entrepreneurs.

De la signature à la simplification douanière
Le plus grand défi de la ZLECAf n'était pas la suppression des tarifs douaniers – un objectif progressif – mais l'harmonisation des règles et la simplification des procédures. Les barrières non tarifaires (lourdeurs administratives, normes divergentes, corruption aux frontières) constituaient le véritable frein au commerce. Des initiatives pilotes, comme le "Guided Trade Initiative", ont permis de tester les procédures en conditions réelles entre un groupe de pays volontaires.
Le résultat aujourd'hui est la mise en place de "guichets uniques" aux postes-frontières majeurs, où les formalités douanières, sanitaires et sécuritaires sont centralisées. L'introduction d'un carnet ATA continental, permettant l'admission temporaire de marchandises sans droits de douane, a également fluidifié les échanges pour les petites et moyennes entreprises participant à des foires ou des expositions.
Les corridors de croissance en action
Plusieurs corridors logistiques sont devenus les artères vitales de la ZLECAf, illustrant son potentiel.
Le corridor Abidjan-Lagos
Ce corridor côtier d'environ 1 000 km, traversant la Côte d'Ivoire, le Ghana, le Togo et le Bénin pour atteindre le Nigeria, est l'un des plus dynamiques. Il concentre 75% du commerce de la CEDEAO. Grâce à la ZLECAf, les temps de passage à la frontière pour les camions de marchandises ont été, selon certaines estimations, réduits de près de 40%. Une PME ghanéenne spécialisée dans les cosmétiques à base de beurre de karité peut désormais livrer ses produits à Abidjan ou à Cotonou en deux jours, contre une semaine auparavant, ouvrant des marchés qui lui étaient inaccessibles.
Le corridor Nord-Sud (Durban-Dar es Salaam)
Reliant l'Afrique du Sud à la Tanzanie via le Zimbabwe et la Zambie, ce corridor est crucial pour les économies enclavées. L'harmonisation des normes de transport et la reconnaissance mutuelle des certificats de transport ont permis de réduire les coûts logistiques. Une entreprise zambienne exportant des produits agricoles transformés vers le port de Durban bénéficie désormais d'une plus grande prévisibilité et de coûts réduits, améliorant sa compétitivité à l'international.
Les défis persistants : infrastructure et industrialisation
Malgré ces succès, des obstacles majeurs demeurent. Le manque d'infrastructures de qualité reste le talon d'Achille du continent. Les routes, les ports et les chemins de fer sont souvent inadaptés pour supporter un volume d'échanges accru. Les investissements, qu'ils soient publics ou privés, sont colossaux et nécessitent du temps.
De plus, la ZLECAf ne pourra atteindre son plein potentiel que si l'Afrique produit davantage de biens à échanger. Le commerce intra-africain est encore dominé par les matières premières. Le véritable enjeu est de stimuler la production locale et de faire monter les entreprises dans la chaîne de valeur, pour qu'un textile fabriqué en Éthiopie puisse être vendu au Cameroun, et qu'une voiture assemblée au Maroc trouve des acheteurs au Kenya.
Conclusion
La ZLECAf est un projet de longue haleine, mais les progrès observés sur les corridors commerciaux prouvent que la dynamique est enclenchée. En levant les barrières administratives et en facilitant les échanges, elle offre une chance historique de créer un marché continental intégré et résilient. Le prochain défi est de transformer ces flux commerciaux en une véritable révolution industrielle, créatrice d'emplois et de prospérité pour des millions d'Africains.