










Introduction Après une décennie d'emprunts massifs pour financer son développement, une grande partie de l'Afrique est aujourd'hui confrontée à une crise de la dette souveraine. La conjonction de plusieurs chocs - la pandémie de Covid-19, la hausse des prix des denrées alimentaires et de l'énergie, et le resserrement brutal des politiques monétaires mondiales - a rendu le fardeau de la dette insoutenable pour de nombreux pays. Le Ghana, la Zambie et l'Éthiopie ont déjà fait défaut ou sont en pleine restructuration de leur dette. D'autres sont sur la sellette, forcés de consacrer une part croissante de leur budget au service de la dette, au détriment des dépenses essentielles en santé, éducation et infrastructures.

<h2>Les causes d'une nouvelle crise</h2> La crise actuelle est différente de celle des années 1990. La structure de la dette a changé. Autrefois, les créanciers de l'Afrique étaient principalement des institutions multilatérales (FMI, Banque mondiale) et des gouvernements occidentaux regroupés au sein du Club de Paris. Aujourd'hui, le paysage est beaucoup plus complexe. De nouveaux acteurs majeurs sont apparus, au premier rang desquels la Chine, qui a massivement prêté pour des projets d'infrastructures. Surtout, de nombreux pays africains ont eu accès aux marchés financiers internationaux et ont émis des "eurobonds", contractant des dettes auprès d'un grand nombre de créanciers privés (fonds d'investissement, banques...). Cette diversification des créanciers, si elle a facilité l'accès au financement, rend aujourd'hui la restructuration de la dette extrêmement compliquée.
<h2>Le casse-tête de la restructuration</h2> Lorsqu'un pays ne peut plus rembourser, il doit négocier avec tous ses créanciers pour obtenir un allègement (réduction du stock de la dette) ou un rééchelonnement (allongement des délais de paiement). Or, il est très difficile de mettre d'accord des acteurs aux intérêts si divergents. Les créanciers privés veulent maximiser leur retour sur investissement, la Chine a ses propres priorités géopolitiques, et les institutions traditionnelles exigent des réformes structurelles. Le "cadre commun" mis en place par le G20 pour faciliter ces restructurations s'est révélé jusqu'à présent très lent et peu efficace, comme en témoignent les longues et pénibles négociations menées par la Zambie. Pendant ce temps, le pays est privé d'accès aux financements, son économie stagne et sa population souffre.
<h2>L'arbitrage impossible : payer les créanciers ou les fonctionnaires ?</h2> Pour les gouvernements concernés, la situation vire au cauchemar. Ils sont confrontés à un arbitrage impossible. Chaque dollar dépensé pour rembourser un créancier à New York ou à Pékin est un dollar qui n'est pas disponible pour payer le salaire d'une infirmière, construire une école ou subventionner les engrais pour les agriculteurs. Cette pression budgétaire extrême alimente le mécontentement social et peut conduire à l'instabilité politique. Les programmes d'austérité exigés par le FMI en échange de son aide (coupes dans les subventions, gel des salaires des fonctionnaires) sont souvent la goutte d'eau qui fait déborder le vase.
Conclusion La crise de la dette est l'un des plus grands défis économiques et politiques de l'Afrique aujourd'hui. Il n'y a pas de solution simple. À court terme, la communauté internationale doit accélérer et améliorer les mécanismes de restructuration pour éviter une vague de défauts en cascade. À long terme, l'Afrique doit repenser son modèle de développement, en mobilisant davantage de ressources intérieures (notamment par une meilleure collecte des impôts), en luttant contre les flux financiers illicites et en veillant à ce que les futurs emprunts financent des projets véritablement productifs. Sans cela, le cycle de l'endettement suivi de la crise risquerait de se répéter indéfiniment.