










Europe, 2025. Jamais le passé n'a été aussi présent sur nos écrans. Les plateformes de streaming comme Netflix, Prime Video ou Disney+ ont fait des séries historiques l'un de leurs genres les plus populaires et les plus prestigieux. Des fastes de Versailles aux intrigues des Tudors, en passant par l'ascension des Vikings, des millions d'Européens se passionnent pour des récits qui ont façonné leur continent. Ce phénomène, loin d'être anodin, a un impact culturel majeur : il participe à la création d'une forme de narration paneuropéenne, mais pose aussi la question de la fidélité historique et des risques d'une standardisation du récit de notre passé commun.

Le succès de ces séries repose sur une alchimie efficace : des budgets de production colossaux qui permettent des reconstitutions spectaculaires, des intrigues qui mêlent la grande Histoire aux drames intimes (amour, trahison, ambition), et un casting souvent international. En se concentrant sur des figures royales ou des événements marquants, elles offrent des points de repère connus de tous, tout en les romançant pour les rendre plus accessibles et addictives.
Ce faisant, elles créent des conversations culturelles qui transcendent les frontières. On débat de la psychologie de la reine Elizabeth II ("The Crown") à Madrid comme à Varsovie, on s'intéresse à l'impératrice Sissi ("L'Impératrice") à Lisbonne comme à Berlin. Pour une génération habituée à la culture de masse américaine, ces séries offrent une forme de réappropriation de l'imaginaire européen.
Cependant, cette démocratisation du savoir historique a un prix. Pour les besoins du scénario, les showrunners prennent souvent d'importantes libertés avec la réalité. Des personnages sont inventés, des chronologies sont compressées, et les motivations des acteurs historiques sont simplifiées à l'extrême pour correspondre aux archétypes de la fiction moderne.
Les historiens professionnels sont partagés. Certains saluent la capacité de ces séries à susciter un intérêt pour le passé, incitant les spectateurs à ouvrir des livres pour en savoir plus. D'autres, plus critiques, dénoncent une forme d'"histotainment" (mélange d'histoire et de divertissement) qui aplatit la complexité du passé. "Le risque est que le public retienne la version romancée de l'événement plutôt que la réalité historique, qui est souvent plus grise, plus complexe et moins spectaculaire", analyse l'historien Laurent Vidal, spécialiste des médias. Par exemple, la représentation des relations internationales se résume souvent à des querelles personnelles entre monarques, occultant les dynamiques économiques et sociales profondes.
Conclusion Les séries historiques des plateformes de streaming sont devenues un acteur culturel incontournable. Elles tissent des liens entre les nations européennes en partageant des récits communs et en ravivant l'intérêt pour notre patrimoine. Il est cependant crucial que le public garde un esprit critique, en étant conscient qu'il s'agit d'œuvres de fiction et non de documentaires. Le véritable enjeu est là : utiliser ces formidables machines à raconter des histoires comme une porte d'entrée vers la complexité et la richesse de l'histoire européenne, et non comme un substitut qui en effacerait les nuances.