










Rome, 2025. Au-delà des débats politiques quotidiens, une crise silencieuse et implacable menace les fondements mêmes de la société et de l'économie italiennes : l'hiver démographique. Avec l'un des taux de fécondité les plus bas au monde et une population vieillissante, l'Italie est confrontée à une bombe à retardement. Le gouvernement de Giorgia Meloni, en place depuis 2022, a fait de la "défense de la famille et de la natalité" un axe central de son programme. Mais trois ans après, les résultats sont maigres, et la question demeure : des politiques incitatives peuvent-elles inverser une tendance aussi profondément ancrée ?
Dès son arrivée au pouvoir, l'exécutif a déployé une série de mesures visant à encourager les naissances. Celles-ci incluent une augmentation significative de "l'assegno unico" (l'allocation familiale unique), des avantages fiscaux pour les familles nombreuses, des aides à l'accès à la propriété pour les jeunes couples et des subventions pour les frais de crèche. Le ministère de la Famille, de la Natalité et de l'Égalité des chances a été érigé en symbole de cette priorité politique.
Pourtant, les chiffres de l'ISTAT (l'institut national de statistique) pour 2024 et les premières estimations pour 2025 ne montrent pas le rebond espéré. Le nombre de naissances continue de stagner à des niveaux historiquement bas, bien en deçà du seuil de renouvellement des générations. Selon les démographes, ces mesures, bien que louables, se heurtent à des problèmes structurels bien plus profonds. "Un bonus financier peut aider, mais il ne change pas la précarité du marché du travail, le manque de services publics de garde d'enfants dans le Sud, ou les mentalités sur le partage des tâches domestiques", explique la sociologue Elena Pirani de l'Université de Bologne.
La crise démographique italienne n'est pas seulement une question de choix individuels, mais le résultat de décennies de sous-investissement et de blocages socio-économiques.
Pour les jeunes Italiens, fonder une famille est souvent un parcours d'obstacles. Les contrats de travail précaires, les bas salaires et un marché immobilier inaccessible dans les grandes villes retardent l'âge du premier enfant. De plus, la "fuga dei cervelli" (la fuite des cerveaux) continue de saigner le pays de ses jeunes les plus qualifiés, qui partent chercher de meilleures opportunités à l'étranger et y fondent leurs familles.
Le modèle de protection sociale italien repose encore largement sur la solidarité familiale. Le manque de crèches publiques abordables et le faible taux d'emploi des femmes (l'un des plus bas de l'UE) créent un cercle vicieux. Pour beaucoup de femmes, avoir un enfant signifie encore trop souvent devoir sacrifier sa carrière, un choix que de moins en moins sont prêtes à faire.
Conclusion Le gouvernement Meloni a eu le mérite de mettre la question démographique au centre du débat public. Cependant, les politiques incitatives seules s'avèrent insuffisantes. L'inversion de la tendance exigera une transformation beaucoup plus profonde de la société italienne : une réforme du marché du travail pour offrir plus de stabilité aux jeunes, un investissement massif dans les services publics pour la petite enfance, et une véritable révolution culturelle pour l'égalité des genres. Sans ces réformes structurelles, l'Italie risque de devenir un pays de plus en plus âgé, moins dynamique et confronté à un mur de soutenabilité pour son système de retraites et de santé.