










Mladá Boleslav, République Tchèque, 2025. Cette ville, qui vit au rythme de l'usine historique du constructeur automobile Skoda, est à l'épicentre d'une transformation angoissante. L'industrie automobile, qui représente près de 10% du PIB tchèque et emploie directement et indirectement des centaines de milliers de personnes, est au pied du mur. La décision de l'Union européenne d'interdire la vente de voitures neuves à moteur thermique en 2035 n'est plus une perspective lointaine, c'est une urgence industrielle. Pour un pays dont l'économie est si intimement liée à la production de moteurs à combustion et de boîtes de vitesses, ce virage forcé vers l'électrique est un défi existentiel.

Le défi dépasse largement les portes de Skoda, filiale du groupe Volkswagen. C'est tout un écosystème de sous-traitants, souvent des PME familiales spécialisées dans des composants spécifiques pour moteurs thermiques (pistons, systèmes d'injection, échappements), qui est menacé. Une voiture électrique contient environ 30% de pièces en moins qu'un modèle à essence, et surtout, des pièces radicalement différentes.
Le gouvernement tchèque et les grands groupes industriels ont lancé une course contre la montre. Un projet de gigafactory de batteries du groupe Volkswagen près de Plzeň est sur les rails, promettant de créer des milliers de nouveaux emplois. Cependant, ces nouveaux postes ne compenseront pas nécessairement les pertes et ne requièrent pas les mêmes compétences. Un ouvrier spécialisé dans l'usinage de culasses ne devient pas un technicien en électrochimie du jour au lendemain. D'immenses programmes de formation et de reconversion ont été lancés, mais ils se heurtent à l'inquiétude et parfois à la résistance des salariés les plus âgés. "J'ai monté des boîtes de vitesses toute ma vie, on me dit que dans cinq ans, mon métier n'existera plus. C'est difficile à accepter", confie un ouvrier de 52 ans.
Cette transition brutale crée des tensions sociales et politiques. La montée des partis populistes dans les régions industrielles s'alimente de la peur du déclassement. Ils dénoncent des décisions "prises à Bruxelles" qui ignoreraient les réalités locales et sacrifieraient les emplois tchèques sur l'autel de l'écologie.
Le coût des voitures électriques reste également une préoccupation majeure pour le marché intérieur. Dans un pays où le salaire moyen est inférieur à celui de l'Europe de l'Ouest, l'accessibilité des nouveaux modèles est loin d'être garantie, faisant craindre une fracture sociale entre ceux qui pourront se permettre de rouler "propre" et les autres.
Conclusion La République Tchèque est un cas d'étude de la transition industrielle la plus radicale que l'Europe ait connue depuis des décennies. Son succès à transformer son joyau industriel sera déterminant pour son avenir économique. Cela nécessitera des investissements colossaux, une politique de formation ambitieuse et un accompagnement social sans faille pour ne laisser personne sur le bord de la route. L'enjeu est de prouver que la transition écologique, imposée par les objectifs climatiques, peut être une opportunité de modernisation et non une machine à créer de la précarité et du ressentiment.