










Palerme, Sicile, 2025. Dans un espace de coworking branché du centre historique, une jeune ingénieure informatique participe à une visioconférence avec ses collègues de Milan. Comme elle, des milliers de jeunes professionnels italiens ont fait le choix du "South-working", un retour au pays natal dans le Mezzogiorno (le Sud de l'Italie) rendu possible par la généralisation du travail à distance. Ce phénomène représente une opportunité historique de renverser la vapeur de la "fuga dei cervelli", la fuite des cerveaux qui a saigné le Sud pendant des décennies. Mais cette lueur d'espoir se heurte à des défis structurels bien ancrés : la faiblesse des infrastructures, la lenteur de l'administration et le manque de services.

Pendant des générations, le chemin était tracé : les jeunes les plus brillants et les plus ambitieux du Sud devaient s'exiler à Milan, Turin, ou à l'étranger pour trouver un travail à la hauteur de leurs qualifications. Le "South-working" a brisé ce déterminisme géographique. Pour la première fois, il est possible de bénéficier d'un salaire du Nord tout en profitant de la qualité de vie, du climat et des liens familiaux du Sud.
Cet afflux de jeunes actifs a des effets bénéfiques immédiats. Ils consomment localement, rénovent des biens immobiliers, paient des impôts et créent une demande pour de nouveaux services (crèches, activités culturelles). Des petites villes de Sicile, des Pouilles ou de Calabre voient leur population rajeunir et leur économie locale se redynamiser. "C'est une révolution silencieuse. Chaque jeune qui revient, c'est une boutique qui ne ferme pas, une école qui garde une classe ouverte", s'enthousiasme le maire d'un village des Abruzzes.
Cependant, l'enthousiasme des débuts se confronte à la dure réalité des carences du Sud. Le succès à long terme du "South-working" dépend de la capacité de la région à se moderniser en profondeur.
La première condition est une connectivité Internet fiable et rapide. Si les centres urbains sont de mieux en mieux équipés, de nombreuses zones rurales, pourtant attractives pour leur cadre de vie, sont encore à la traîne, avec un ADSL poussif incompatible avec les exigences du télétravail moderne. De même, la précarité des transports (lignes de train lentes, routes mal entretenues) et la faiblesse des services de santé restent des freins majeurs pour des jeunes qui aspirent à fonder une famille.
Travailler à distance ne signifie pas vivre isolé. Les "South-workers" ont besoin d'un écosystème pour s'épanouir : des espaces de coworking pour rompre l'isolement, un réseau professionnel local pour échanger, et des opportunités culturelles et sociales. Si ces éléments ne se développent pas, le risque est que ce retour ne soit qu'une parenthèse avant un second départ, motivé cette fois par l'ennui ou le manque de stimulation intellectuelle.
Conclusion Le "South-working" est bien plus qu'une tendance post-pandémie ; c'est sans doute la meilleure chance pour le Mezzogiorno de rompre avec des décennies de déclin et de dépendance. Mais le télétravail seul ne sauvera pas le Sud. Il doit être le catalyseur d'une politique ambitieuse, utilisant les fonds du plan de relance européen pour moderniser en urgence les infrastructures numériques, les transports et les services publics. L'Italie a une occasion unique de rééquilibrer son territoire ; la rater serait une faute historique.