










Venise, Italie, 2025. Le son des valises à roulettes sur les pavés est redevenu la bande-son assourdissante de la Sérénissime. Après les années de calme forcé dues à la pandémie, les touristes ont déferlé sur l'Europe du Sud avec une intensité record. Si ce retour est une manne financière indispensable pour des économies très dépendantes du secteur, il ramène aussi sur le devant de la scène un problème que l'on croyait oublié : le surtourisme. De l'Algarve portugais aux îles grecques, en passant par les côtes croates et les métropoles espagnoles, la saturation est telle qu'elle menace la qualité de vie des résidents et la pérennité même des sites visités.

Les chiffres de la saison estivale 2025 sont éloquents. Dubrovnik, en Croatie, a enregistré des pics de fréquentation supérieurs à ceux de 2019. À Barcelone, les plages de la Barceloneta sont bondées dès 9 heures du matin. À Venise, le système expérimental de taxe d'entrée et de réservation obligatoire, mis en place pour réguler les flux de visiteurs à la journée, montre ses limites, peinant à endiguer la marée humaine.
Cette surfréquentation a des conséquences directes : saturation des transports publics, flambée des prix des biens de consommation courante, gestion des déchets qui devient un cauchemar logistique et pression insoutenable sur des infrastructures et des monuments fragiles.
Face à cette crise, les autorités locales et nationales tentent de réagir, naviguant entre la nécessité de préserver leur première industrie et celle de protéger leur territoire.
Plusieurs villes ont musclé leur arsenal réglementaire. Amsterdam a encore durci sa politique contre les locations touristiques. Barcelone a mis en place des zones à circulation limitée. D'autres, comme les îles Baléares, envisagent d'instaurer des quotas sur le nombre de lits touristiques ou de visiteurs autorisés. Le concept de "démárketing" touristique fait son chemin : certaines destinations communiquent activement pour décourager les visiteurs de venir pendant les pics de saison ou pour attirer un autre type de public, moins intéressé par le tourisme de masse et plus par la culture ou la nature.
La principale stratégie est de tenter de désaisonnaliser les flux. Des campagnes de promotion sont lancées pour vanter les charmes de la Grèce en automne, de l'Andalousie au printemps ou de la Sicile en hiver. L'idée est de répartir les visiteurs plus uniformément tout au long de l'année. On encourage également la découverte de régions moins connues, afin de décongestionner les "hotspots" traditionnels. Cependant, ces efforts se heurtent aux habitudes bien ancrées des vacances scolaires et à la puissance des plateformes de réservation en ligne qui continuent de promouvoir les mêmes destinations emblématiques.
Conclusion Le surtourisme n'est plus un problème de niche, c'est un défi structurel pour une grande partie de l'Europe du Sud. La prise de conscience est là, mais les solutions sont complexes à mettre en œuvre, car elles touchent à des intérêts économiques puissants. La transition vers un modèle de tourisme plus durable, qualitatif plutôt que quantitatif, est indispensable. Elle exigera des choix politiques courageux et une collaboration accrue entre les autorités publiques, les acteurs du secteur et les populations locales, qui ne veulent plus être de simples figurants dans leur propre ville.