










Introduction Le secteur informel, souvent qualifié d'économie "souterraine" ou "grise", est en réalité le premier employeur et le principal moteur de l'activité économique dans la plupart des pays africains. Des vendeuses de marché aux artisans en passant par les conducteurs de moto-taxis, des centaines de millions de personnes tirent leurs revenus de cette économie de la débrouille. Longtemps ignoré par les politiques publiques, ce secteur est aujourd'hui au cœur d'une profonde transformation grâce à la révolution numérique. Le téléphone mobile est en train de devenir le principal outil de formalisation, apportant des services financiers et une visibilité nouvelle à ces acteurs économiques essentiels.
<h2>Le mobile money comme porte d'entrée vers la formalisation</h2> La plus grande révolution est celle du paiement mobile. Pour un commerçant du secteur informel, qui a toujours fonctionné avec de l'argent liquide, le "mobile money" change tout. Il permet de recevoir des paiements de manière sécurisée, de payer ses fournisseurs à distance et, surtout, de se constituer un historique de transactions. Cet historique numérique est une véritable mine d'or. Il devient une preuve de revenu et de fiabilité qui peut être utilisée pour accéder à des services financiers formels, jusqu'alors inaccessibles. Des start-ups de la fintech utilisent ces données pour proposer des micro-crédits, des solutions d'épargne ou des assurances, le tout via le téléphone. Le secteur informel n'est plus "invisible" pour le système financier.

<h2>Les plateformes, agrégateurs d'opportunités</h2> Au-delà du paiement, des applications et des plateformes numériques permettent d'organiser et d'optimiser l'activité des travailleurs informels. Des plateformes de type "Uber" pour les moto-taxis (comme SafeBoda en Ouganda) ou pour les artisans (comme Fundis au Kenya) connectent directement les prestataires de services aux clients. Cela apporte de nombreux avantages : une plus grande visibilité pour le travailleur, une tarification plus transparente, une meilleure sécurité pour le client et le prestataire, et un système de notation qui récompense la qualité du service.
Ces plateformes agissent comme des "formalisateurs" de marché, apportant de la structure et de la confiance dans des secteurs qui en manquaient cruellement.
<h2>Défis et perspectives d'une formalisation "douce"</h2> Cette transformation n'est pas sans défis. La principale crainte des acteurs de l'informel est que cette visibilité accrue s'accompagne d'une pression fiscale. Pour que cette "formalisation douce" réussisse, les gouvernements doivent adopter une approche incitative plutôt que punitive. Il s'agit de proposer des régimes fiscaux simplifiés et attractifs pour les micro-entrepreneurs, en leur montrant les avantages de la formalisation : accès à la protection sociale, aux marchés publics, à la formation... La fracture numérique reste également un obstacle. Tout le monde n'a pas accès à un smartphone ou à une connexion internet fiable. L'enjeu est de développer des solutions inclusives, utilisant par exemple des technologies plus simples comme le SMS, pour ne laisser personne de côté.
Conclusion Le numérique est en train de réussir là où des décennies de politiques publiques ont échoué : intégrer en douceur le secteur informel dans l'économie formelle. En offrant des outils qui répondent aux besoins concrets des travailleurs (sécurité des paiements, accès au crédit, nouveaux clients), la technologie agit comme un puissant levier d'inclusion et d'autonomisation. Pour les États, accompagner ce mouvement est une opportunité unique de mieux comprendre leur propre économie, d'élargir leur base fiscale de manière consentie et, surtout, de reconnaître et de soutenir la vitalité entrepreneuriale de millions de leurs citoyens.