










Introduction Europe, 2025. Il y a encore quinze ans, pour qu'un artiste européen perce en dehors de ses frontières, une règle d'or prévalait : chanter en anglais. Les radios, MTV, toute l'industrie musicale était formatée par l'hégémonie anglo-saxonne. Aujourd'hui, cette règle a volé en éclats. Un adolescent à Helsinki peut avoir en tête un tube de reggaeton chanté en espagnol, une jeune femme à Lisbonne peut danser sur du rap français, et un bar à Varsovie peut diffuser le dernier vainqueur italien de l'Eurovision. La révolution du streaming et l'avènement de plateformes comme TikTok ont dynamité les barrières linguistiques, créant un marché musical européen plus intégré et diversifié que jamais.
Le changement a été porté par la technologie. Les algorithmes de recommandation de Spotify, Apple Music ou Deezer ne se soucient pas de la langue, mais des habitudes d'écoute et des "ambiances". Ils créent des playlists mondiales ("Global Top 50") ou thématiques ("Sad Girl Starter Pack") où une ballade portugaise peut succéder à un banger drill allemand sans que cela ne choque l'auditeur.
TikTok a amplifié ce phénomène. Un extrait de 15 secondes d'une chanson peut devenir viral sur tout le continent en quelques jours, propulsant des artistes comme l'Espagnole Rosalía, la Française Aya Nakamura ou les Italiens de Måneskin au rang de superstars mondiales, tout en chantant dans leur langue maternelle. Ils ont prouvé qu'il n'était plus nécessaire de passer par le filtre de l'anglais pour toucher un public global. Le rythme, la mélodie, l'attitude ont pris le pas sur la compréhension littérale des paroles.
Ce nouveau paysage sonore favorise l'émergence de scènes locales puissantes qui s'exportent. Le rap francophone, avec sa diversité (du rap marseillais à la drill belge), s'écoute désormais massivement en Espagne et en Allemagne. La scène pop et urbaine espagnole a conquis le continent. Cette circulation crée une familiarité culturelle nouvelle entre les jeunesses européennes.
Cependant, il ne faut pas idéaliser la situation. Cette "européanisation" des goûts est principalement le fait des grandes langues latines et, dans une moindre mesure, germaniques. Il reste beaucoup plus difficile pour un artiste chantant en hongrois, en grec ou en finnois de percer à grande échelle. De plus, ce nouveau marché est contrôlé par une poignée de plateformes technologiques américaines et chinoises, qui sont les nouveaux gardiens du temple, remplaçant les anciens directeurs de maisons de disques.