










Introduction
La transition énergétique mondiale, indispensable pour lutter contre le changement climatique, repose sur une technologie gourmande en minerais : les batteries des véhicules électriques, les éoliennes et les panneaux solaires. Or, une part considérable des réserves mondiales de ces "minerais critiques" - cobalt, lithium, manganèse, graphite, terres rares - se trouve sur le sol africain. Cette situation place le continent au centre de la géopolitique de l'énergie du XXIe siècle, lui offrant une opportunité historique de développement, mais l'exposant également à une nouvelle forme de "malédiction des ressources".
La nouvelle géographie des ressources stratégiques
La carte mondiale de l'énergie est en train d'être redessinée. Le pouvoir ne dépendra plus seulement du pétrole et du gaz, mais aussi de l'accès sécurisé aux minerais de la transition. La République Démocratique du Congo (RDC) produit à elle seule plus de 70% du cobalt mondial, un composant essentiel des batteries lithium-ion. Le Zimbabwe, la Namibie et le Mali émergent comme des acteurs clés du lithium. Le Mozambique et la Tanzanie possèdent d'importants gisements de graphite. Cette concentration de ressources fait de l'Afrique un terrain de convoitise pour les grandes puissances industrielles, de la Chine à l'Europe en passant par les États-Unis, toutes soucieuses de sécuriser leurs chaînes d'approvisionnement.
De l'extraction à la transformation : le grand défi
Historiquement, l'Afrique s'est contentée d'exporter ses ressources brutes, laissant la valeur ajoutée de la transformation et de la fabrication à d'autres continents. Le grand défi pour les pays africains est de briser ce cycle. L'ambition est désormais de développer des chaînes de valeur locales : ne plus seulement extraire le lithium, mais produire des précurseurs de batteries, voire des batteries complètes sur le continent.
Des projets pionniers voient le jour. La Zambie et la RDC ont signé un accord pour créer une zone économique spéciale dédiée à la fabrication de batteries. Le Maroc, déjà un leader de l'industrie automobile, investit massivement dans la production de véhicules électriques. Ces initiatives sont complexes et nécessitent des investissements massifs en infrastructures, en énergie et en compétences.
Les risques d'une nouvelle "ruée vers l'or"
Cette opportunité s'accompagne de risques considérables.
La gouvernance et la transparence
La gestion des revenus miniers est un enjeu crucial. Sans une gouvernance transparente et une lutte acharnée contre la corruption, les richesses générées risquent de ne profiter qu'à une élite, sans bénéficier aux populations locales et en alimentant les conflits, comme ce fut le cas par le passé avec le pétrole ou les diamants.
Les impacts sociaux et environnementaux
L'exploitation minière a souvent des conséquences désastreuses sur l'environnement (déforestation, pollution de l'eau) et sur les droits humains. Le cas du cobalt en RDC, souvent extrait dans des conditions artisanales dangereuses, est emblématique. Les États africains sont sous pression pour faire respecter des normes sociales et environnementales plus strictes, une exigence croissante des consommateurs et des investisseurs internationaux.
Conclusion
L'Afrique a entre ses mains une carte maîtresse dans la nouvelle économie verte mondiale. Pour que cette carte soit gagnante, les pays du continent doivent adopter des stratégies audacieuses et concertées. Il s'agit de négocier des contrats plus équitables, d'investir dans la transformation locale, de former une main-d'œuvre qualifiée et d'imposer une exploitation minière responsable. S'ils y parviennent, les minerais critiques pourraient devenir le moteur d'une industrialisation durable et inclusive pour l'Afrique, transformant une dépendance géologique en une véritable souveraineté économique.