










Malmö, Suède, 2025. La silhouette futuriste de la "Turning Torso" se dresse fièrement sur le front de mer, symbole de la transformation de Malmö d'une ville industrielle en déclin en un hub de connaissance et d'innovation. Mais à quelques kilomètres de là, dans des quartiers comme Rosengård ou Seved, une autre réalité, plus sombre, met à mal l'image d'une Suède pacifique et égalitaire. Une vague de violence par armes à feu, orchestrée par des gangs criminels rivaux, a fait de la troisième ville du pays l'épicentre d'une crise nationale. Ce phénomène révèle les fissures profondes du fameux modèle d'intégration suédois.

La violence à Malmö est hyper-spécifique. Il ne s'agit pas de criminalité de masse, mais d'une guerre de territoire entre des dizaines de petits groupes criminels, souvent organisés autour de liens familiaux ou claniques. Leurs membres sont majoritairement des jeunes hommes, nés en Suède mais issus de l'immigration récente (Balkans, Moyen-Orient). Le trafic de drogue est le moteur de cette économie souterraine qui débouche sur des règlements de comptes d'une brutalité choquante, avec des fusillades et des explosions en plein jour.
La police suédoise, longtemps habituée à une délinquance moins violente, a dû adapter ses méthodes. Des unités spéciales ont été créées, la coopération avec Europol a été renforcée et la législation a été durcie pour lutter contre le recrutement de mineurs par les gangs. "Nous faisons face à une culture de la violence où le seuil pour utiliser une arme à feu est devenu extrêmement bas", confie un officier de la police de Malmö.
Réduire ce phénomène à une simple question d'immigration serait une erreur. La violence des gangs est avant tout le symptôme d'un échec social et d'une ségrégation spatiale et économique qui s'est installée au fil des décennies.
Des quartiers comme Rosengård souffrent d'un chômage endémique, bien supérieur à la moyenne nationale, d'un fort taux de décrochage scolaire et d'une concentration de familles à faibles revenus. Dans cet environnement, où les perspectives d'avenir légal sont limitées, l'économie parallèle des gangs offre une illusion de pouvoir, d'argent rapide et de statut social. Pour un adolescent qui se sent rejeté par la société suédoise, le gang peut représenter une famille de substitution et une source de respect. "Quand vous grandissez ici, vous voyez les belles voitures et l'argent des dealers d'un côté, et vos parents qui luttent avec des petits boulots de l'autre. Le choix est vite fait pour certains", explique un travailleur social du quartier.
Conclusion La crise des gangs à Malmö est un test de résilience pour le contrat social suédois. La réponse ne peut être uniquement policière. Elle passe par un investissement massif et à long terme dans l'éducation, les services sociaux et les opportunités d'emploi dans les quartiers défavorisés. Il s'agit de briser les murs invisibles de la ségrégation et de prouver aux jeunes de ces quartiers qu'ils ont une place à part entière dans la société suédoise. Sans cela, la violence continuera de prospérer, rongeant de l'intérieur l'un des modèles sociaux les plus admirés au monde.