










Lyon, France, 2025. Dans la périphérie de la ville, une nouvelle usine de fabrication de paracétamol est sur le point d'entrer en production. Ce projet, soutenu par des fonds publics français et européens, est emblématique d'une tendance de fond qui agite le continent : la relocalisation. Après trente ans de mondialisation effrénée et de délocalisation vers l'Asie, les crises successives (pandémie de Covid-19, guerre en Ukraine, tensions en mer de Chine) ont révélé la fragilité des chaînes d'approvisionnement mondiales. L'idée de rapatrier la production de biens stratégiques – médicaments, semi-conducteurs, panneaux solaires – est devenue un impératif politique. Mais entre le discours et la réalité, le chemin est semé d'embûches.

La volonté de relocaliser est portée par un alignement rare des planètes politiques et économiques. La pandémie a montré le danger de dépendre à 80% de la Chine et de l'Inde pour les principes actifs pharmaceutiques. Les pénuries de semi-conducteurs ont paralysé l'industrie automobile européenne. La dépendance énergétique envers la Russie a eu des conséquences dramatiques.
Face à cela, l'UE et ses États membres ont déployé un arsenal d'outils : "l'EU Chips Act" pour les semi-conducteurs, le "Net-Zero Industry Act" pour les technologies vertes, et divers plans de relance nationaux qui subventionnent massivement les projets de "reshoring". L'argument n'est plus seulement économique, il est stratégique : il s'agit de garantir la "souveraineté" et la "résilience" du continent.
Malgré cette volonté politique, un retour à l'Europe-usine d'antan est illusoire. Plusieurs obstacles structurels freinent le mouvement.
Le coût du travail en Europe reste, malgré l'inflation en Asie, significativement plus élevé. Pour être compétitives, les usines relocalisées doivent être massivement automatisées, ce qui signifie qu'elles créent moins d'emplois que celles qui ont été délocalisées. De plus, des décennies de désindustrialisation ont entraîné une perte de compétences critiques. Trouver des soudeurs, des chaudronniers, des ingénieurs process ou des techniciens de maintenance qualifiés est devenu un véritable casse-tête pour les industriels dans de nombreuses régions.
Les normes environnementales et sociales, plus strictes en Europe, représentent un coût supplémentaire. Obtenir les permis de construire et les autorisations environnementales pour une nouvelle usine peut prendre des années, un délai incompatible avec la vitesse du marché mondial. "Nous voulons tous du 'Made in Europe', mais personne ne veut d'une usine chimique à côté de chez lui. Il y a une contradiction à surmonter", analyse un lobbyiste industriel à Bruxelles.
Conclusion La relocalisation en Europe en 2025 n'est pas un mythe, mais elle est sélective et ciblée. Elle concerne principalement les maillons les plus stratégiques des chaînes de valeur, où la sécurité d'approvisionnement prime sur le coût. Il ne s'agit pas de tout produire à nouveau en Europe, mais de réduire les dépendances critiques et de maîtriser les technologies clés. Cette nouvelle politique industrielle exige une vision à long terme, des investissements massifs dans la formation et une simplification des cadres réglementaires. Le "Made in Europe" du 21e siècle sera forcément plus technologique, plus vert et plus ciblé que celui du passé.