










Introduction
Le déficit en infrastructures (routes, ports, centrales électriques, réseaux de télécommunication) est l'un des principaux freins au développement de l'Afrique. La Banque Africaine de Développement estime les besoins à plus de 130 milliards de dollars par an, un montant que les budgets publics seuls ne peuvent couvrir. Pour combler ce fossé, de plus en plus de gouvernements se tournent vers les Partenariats Public-Privé (PPP). Ce modèle, qui consiste à faire financer, construire et gérer une infrastructure par un acteur privé en échange d'un droit d'exploitation sur le long terme, est présenté comme une solution efficace pour accélérer la réalisation de grands projets. Mais si les succès sont réels, les risques le sont tout autant.

Des projets emblématiques qui transforment le paysage
Le continent africain compte de nombreux exemples de PPP réussis. Le port en eau profonde de Lekki au Nigeria, le pont Henri-Konan-Bédié à Abidjan, la centrale solaire de Noor au Maroc ou l'aéroport international de Blaise Diagne au Sénégal sont des projets emblématiques qui n'auraient sans doute pas vu le jour, ou pas si vite, sans l'implication du secteur privé.
L'avantage du PPP est double pour l'État. D'une part, il permet de réaliser un projet sans alourdir immédiatement la dette publique. D'autre part, il bénéficie de l'expertise technique, de l'efficacité de gestion et de la capacité d'innovation du secteur privé. L'entreprise privée, rémunérée en fonction de la performance et de la disponibilité de l'ouvrage, a tout intérêt à livrer un projet de qualité dans les délais impartis.
La complexité juridique et financière, un frein majeur
Cependant, un PPP n'est pas un long fleuve tranquille. La structuration de ces contrats est extrêmement complexe. Il faut négocier pendant des mois, voire des années, des documents juridiques de plusieurs centaines de pages qui anticipent tous les risques possibles sur une période de 20 ou 30 ans : risques de construction, risques opérationnels, risques politiques, risques de change...
Cette complexité exige de la part de l'État une expertise technique et juridique de très haut niveau pour ne pas se retrouver piégé dans un contrat déséquilibré. De nombreux gouvernements africains manquent encore de ces compétences en interne et doivent faire appel à des cabinets de conseil internationaux très coûteux. Le risque est de signer des contrats qui, à terme, se révèlent être de très mauvaises affaires pour les finances publiques.
Le risque de la "dette cachée" et l'enjeu de l'acceptabilité sociale
Bien que le PPP n'apparaisse pas comme une dette classique au bilan de l'État, il crée des engagements financiers futurs. L'État garantit souvent un niveau minimum de revenus à l'opérateur privé. Si le trafic sur une autoroute à péage est plus faible que prévu, c'est le contribuable qui devra combler la différence. Ces "passifs contingents" peuvent devenir un fardeau considérable pour les générations futures.
De plus, la question de l'acceptabilité sociale est cruciale. Un péage jugé trop cher sur un pont, un coût de l'électricité trop élevé... Ces projets peuvent être perçus par la population comme une privatisation des biens publics au profit d'intérêts privés, surtout si la répartition des bénéfices semble inéquitable. La transparence tout au long du processus est donc essentielle pour garantir l'adhésion du public.
Conclusion
Les Partenariats Public-Privé ne sont ni une solution miracle, ni un instrument à diaboliser. Ils sont un outil puissant mais sophistiqué pour accélérer le développement des infrastructures en Afrique. Pour qu'ils soient un succès, les États doivent massivement investir dans le renforcement de leurs propres capacités de négociation et de régulation. Ils doivent choisir avec soin les projets adaptés à ce mode de financement et s'assurer que le partage des risques et des bénéfices est équitable. C'est à cette condition que les PPP pourront véritablement contribuer à construire l'Afrique de demain, sans hypothéquer son avenir.