










La vague de démocratisation des années 1990 en Afrique avait consacré un principe fondamental : la limitation des mandats présidentiels. Inscrite dans la plupart des constitutions, cette clause était perçue comme un garde-fou contre le retour des présidences à vie. Pourtant, plus de trois décennies plus tard, cette barrière démocratique est de plus en plus ébranlée. Une tendance inquiétante à la "manipulation constitutionnelle" gagne du terrain, où des chefs d'État en fin de second mandat usent de subterfuges juridiques pour s'offrir la possibilité d'en briguer un troisième, voire plus, au risque de provoquer de graves crises politiques.
La stratégie du "glissement" constitutionnel
La méthode est souvent la même et suit un scénario bien rodé. Elle commence par un discours sur la nécessité de "moderniser" ou d'"adapter" la constitution aux nouveaux défis du pays. Ce processus, présenté comme une initiative populaire, est souvent porté par des parlements largement dominés par le parti au pouvoir. Un référendum est ensuite organisé pour légitimer la nouvelle loi fondamentale.
La manœuvre juridique clé réside dans l'argument du "compteur remis à zéro". Les partisans du changement soutiennent que l'adoption d'une nouvelle constitution instaure une nouvelle République, rendant caduques les limitations de mandats de l'ancienne. Le président en exercice peut alors légalement prétendre qu'il n'a accompli aucun mandat sous le nouveau régime, et se présenter à nouveau pour deux autres mandats. C'est une stratégie qui respecte la lettre de la loi, mais qui en trahit totalement l'esprit.
Des précédents qui créent la controverse
Plusieurs pays ont récemment illustré cette tendance. En Côte d'Ivoire, en Guinée ou aux Comores, les présidents ont réussi à faire adopter de nouvelles constitutions leur permettant de prolonger leur séjour au pouvoir, non sans provoquer de violentes manifestations et des crises politiques profondes. Ces exemples créent un dangereux précédent, encourageant d'autres dirigeants de la région à envisager une voie similaire. Dans plusieurs capitales africaines, le débat sur une éventuelle réforme constitutionnelle est subtilement lancé, testant la réaction de l'opinion publique et de l'opposition.
Le rôle crucial de la société civile et des institutions régionales
Face à cette menace pour l'alternance démocratique, la résistance s'organise. La société civile, les mouvements de jeunes et les partis d'opposition sont souvent en première ligne pour dénoncer ces manœuvres. Des collectifs comme "Y'en a marre" au Sénégal ou "Le Balai Citoyen" au Burkina Faso ont montré par le passé que la mobilisation populaire pouvait faire reculer des projets de présidence à vie.
Le rôle des institutions régionales, comme la CEDEAO ou l'Union Africaine, est également primordial, bien que souvent ambigu. Si la CEDEAO a durci sa position en sanctionnant les coups d'État militaires, elle reste plus timide face à ce que certains appellent des "coups d'État constitutionnels". Une position plus ferme et unanime des organisations continentales serait pourtant un signal fort pour décourager les dirigeant