










Bruxelles, 2025. Vingt-trois ans après avoir dépénalisé l'euthanasie, la Belgique se trouve à l'avant-garde d'un débat éthique qui interpelle l'Europe entière. La loi, initialement conçue pour des patients atteints de maladies incurables provoquant des souffrances physiques insupportables, voit son application de plus en plus discutée pour des cas de "polypathologies" liées au grand âge ou de souffrances psychiques profondes. La question des "personnes fatiguées de vivre", sans pathologie létale à court terme, est désormais au cœur des discussions de la Commission Fédérale de Contrôle et d'Évaluation de l'Euthanasie, fracturant la société entre le droit à l'autodétermination et la protection des plus vulnérables.

La législation belge a toujours été l'une des plus progressistes au monde. Elle autorise un patient à demander l'euthanasie s'il se trouve dans une "situation médicale sans issue" et fait état d'une "souffrance physique ou psychique constante et insupportable qui ne peut être apaisée". C'est cette notion de souffrance "psychique", initialement pensée pour des maladies psychiatriques lourdes et sans espoir de traitement, qui est aujourd'hui au centre de l'élargissement des interprétations.
Des cas médiatisés de personnes âgées, souffrant d'une accumulation de maux (perte de vision, de mobilité, solitude) mais sans maladie mortelle imminente, ayant obtenu le droit à l'euthanasie, ont mis en lumière cette évolution. Pour les partisans de cette approche, il s'agit du respect ultime de la dignité et de l'autonomie de l'individu. "Qui sommes-nous pour juger qu'une souffrance existentielle, la perte totale de ce qui constitue la vie d'une personne, est moins légitime qu'une souffrance physique ?", interroge un médecin membre de l'Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité.
Cette évolution suscite de vives inquiétudes. Des collectifs de médecins, de psychiatres et des associations catholiques craignent une "dérive" et une "banalisation" de l'acte d'euthanasie. Leur principale crainte est que la société envoie un message dangereux : que face à la détresse sociale ou à la solitude des aînés, la mort assistée devienne une option comme une autre, voire une solution à un problème social.
Le cœur du problème réside dans l'évaluation de la souffrance psychique. Contrairement à une maladie en phase terminale, elle est subjective et peut être influencée par des facteurs sociaux et économiques. "Comment s'assurer qu'une demande d'euthanasie pour cause de dépression n'est pas le symptôme d'un manque de soutien social, de soins palliatifs inadéquats ou d'isolement ?", s'alarme un professeur d'éthique médicale de l'UCLouvain. La loi prévoit des procédures strictes pour les souffrances psychiques – avis de plusieurs médecins indépendants, dont un psychiatre, et un délai de réflexion d'un mois – mais pour les critiques, ces garde-fous sont insuffisants face à la complexité de la détresse humaine.
Conclusion Le débat belge sur l'euthanasie pour souffrance existentielle est un miroir des questionnements des sociétés européennes vieillissantes. Il pose la question fondamentale de la place que nous accordons à nos aînés et aux personnes psychologiquement fragiles. Au-delà du cadre légal, il interroge la capacité de nos sociétés à apporter des réponses collectives – soins, liens sociaux, soutien psychologique – à la souffrance, pour que la mort ne devienne jamais la seule issue à une vie jugée insupportable.