










Skellefteå, Suède, 2025. Aux confins du cercle polaire, une ville suédoise autrefois connue pour ses mines d'or est devenue la capitale de "l'or vert" européen : les batteries lithium-ion. La gigafactory de Northvolt, qui a atteint sa pleine capacité de production, est bien plus qu'une simple usine. C'est le symbole éclatant de la stratégie de réindustrialisation et de souveraineté de l'Union européenne, incarnée par des plans comme le "Net-Zero Industry Act" et le "Critical Raw Materials Act". L'Europe, longtemps dépendante de l'Asie pour les batteries, est en train de construire, à marche forcée, sa propre chaîne de valeur.
Le succès de Northvolt repose sur une vision intégrée. L'entreprise ne se contente pas d'assembler des cellules de batteries ; elle cherche à maîtriser l'ensemble de la chaîne, une stratégie alignée sur les objectifs de l'UE.
L'usine de Skellefteå est alimentée à 100% par de l'hydroélectricité locale, ce qui lui permet de produire les batteries avec l'une des plus faibles empreintes carbone au monde, un argument de vente majeur pour des clients comme Volkswagen, BMW ou Volvo. De plus, l'Europe du Nord dispose d'importants gisements de lithium, de nickel et de cobalt. Des projets miniers sont en cours de développement en Suède et en Finlande voisine. L'objectif, soutenu par le "Critical Raw Materials Act", est de réduire la dépendance extrême vis-à-vis de la Chine pour les matières premières transformées. "Notre objectif est de sourcer plus de 50% de nos matières premières en Europe d'ici 2030", affirmait récemment Peter Carlsson, le PDG de Northvolt.
Le projet "Revolt", l'usine de recyclage de Northvolt adjacente à la gigafactory, est un autre pilier de cette stratégie. Elle est capable de récupérer plus de 95% des métaux contenus dans les batteries en fin de vie pour les réinjecter dans la production de nouvelles cellules. Cette approche d'économie circulaire est essentielle pour la viabilité à long terme du modèle et la sécurité des approvisionnements.
Le succès de Northvolt a inspiré une vague d'investissements à travers le continent. La France, avec ses "vallées de la batterie" dans les Hauts-de-France, l'Allemagne, la Hongrie et la Pologne voient fleurir des dizaines de projets de gigafactories, portés par des acteurs européens, mais aussi asiatiques (LG Chem, CATL) et américains (Tesla). Cette compétition féroce pose des défis en termes de main-d'œuvre qualifiée, d'accès à l'énergie et d'acceptabilité locale. La formation de milliers d'ingénieurs et de techniciens spécialisés est devenue une urgence européenne.
Conclusion La production de batteries en Suède et ailleurs en Europe est une réussite indéniable de la politique industrielle de l'UE. Elle prouve que le continent peut rivaliser sur les technologies d'avenir et reconstruire des filières stratégiques. Le défi est maintenant de passer à l'échelle supérieure : sécuriser l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement en matières premières, maintenir l'avance technologique sur les futures générations de batteries (état solide) et garantir que cette réindustrialisation se fasse de manière durable et socialement équitable. L'Europe est dans la course, mais la compétition mondiale est acharnée et ne tolérera aucun relâchement.