










Bruxelles, 2025. Le concept d'« autonomie stratégique européenne », autrefois mot-valise confiné aux cercles de réflexion bruxellois, est désormais au cœur de tous les débats. Poussé par les crises successives – pandémie, guerre en Ukraine, rivalité sino-américaine –, l'impératif pour l'Union européenne de réduire ses dépendances et de renforcer sa capacité d'action autonome n'a jamais été aussi pressant. Pourtant, à l'heure du bilan, la traduction de cette ambition en réalités tangibles présente un tableau contrasté, oscillant entre avancées notables et frustrations persistantes.
Le domaine où les progrès sont les plus visibles est sans conteste celui de la défense. La guerre aux portes de l'Europe a agi comme un électrochoc. Des initiatives comme le Fonds européen de la défense (FED) et la Coopération structurée permanente (PESCO) ont enfin pris leur envol.
Concrètement, 2025 a vu l'aboutissement des premières commandes militaires conjointes à grande échelle, notamment pour des munitions et des systèmes de défense aérienne. Le projet SCAF (Système de combat aérien du futur), malgré ses tensions initiales franco-allemandes, a atteint des jalons techniques cruciaux, tandis que de nouveaux programmes de drones et de satellites européens sont en phase de déploiement. Selon les experts de l'Institut d'études de sécurité de l'UE, "la mutualisation des capacités n'est plus un tabou, mais une nécessité opérationnelle". L'interopérabilité des armées européennes s'est accrue, renforcée par des exercices conjoints d'une ampleur inédite en Scandinavie et en Europe de l'Est.
Si l'Europe militaire se muscle, son autonomie économique et technologique reste un défi majeur. Les dépendances dans des secteurs critiques demeurent criantes, exposant le continent à des risques systémiques.
Le "Chips Act" européen, lancé avec l'ambition de doubler la part de l'Europe dans la production mondiale de semi-conducteurs, peine à produire les effets escomptés. Malgré des investissements significatifs, l'UE reste loin derrière Taïwan, la Corée du Sud et les États-Unis sur les puces les plus avancées. Les nouvelles méga-usines, comme celles annoncées en Allemagne ou en France, ne seront pas pleinement opérationnelles avant plusieurs années et se concentrent souvent sur des technologies de gravure moins fines. Nous restons dépendants de l'Asie pour les composants essentiels à nos industries automobile, numérique et de la défense.
De même, le "Critical Raw Materials Act" se heurte à la réalité géologique et aux délais industriels. L'Europe a identifié ses vulnérabilités sur le lithium, le cobalt ou les terres rares, mais l'ouverture de nouvelles mines sur le continent se confronte à des résistances locales et à des normes environnementales strictes. La diversification des approvisionnements est en cours, avec de nouveaux partenariats en Amérique latine et en Afrique, mais elle prendra du temps. Sur le plan énergétique, si la dépendance au gaz russe a été drastiquement réduite, elle a souvent été remplacée par une dépendance au GNL américain ou qatari, illustrant la complexité du chemin vers une véritable autonomie.
Conclusion L'autonomie stratégique européenne en 2025 n'est ni un échec total, ni un succès éclatant. C'est un chantier en cours, inégal selon les secteurs. L'UE a prouvé sa capacité à réagir avec force et unité dans le domaine de la défense lorsque la menace est existentielle. Cependant, dans les batailles économiques et technologiques de long terme, la fragmentation des intérêts nationaux et la lourdeur des processus décisionnels restent des freins puissants. Le véritable test sera la capacité des Vingt-Sept à maintenir une volonté politique commune, même lorsque l'urgence des crises s'estompera.