










L'indépendance financière de l'Union Africaine (UA) est une ambition de longue date, considérée comme la pierre angulaire de sa crédibilité et de son efficacité sur la scène mondiale. Depuis la réforme initiée par le président rwandais Paul Kagame en 2016, des progrès ont été réalisés, mais l'organisation panafricaine peine encore à se défaire de sa dépendance vis-à-vis des bailleurs de fonds internationaux. En 2025, alors que le continent fait face à des crises multiples, la question du financement autonome est plus cruciale que jamais.
Les avancées du mécanisme de prélèvement
La principale innovation de la réforme a été l'instauration d'un prélèvement de 0,2 % sur les importations éligibles de chaque pays membre non insulaire, destiné à financer le budget de l'UA. L'objectif était triple : assurer la prévisibilité des ressources, garantir l'appropriation des programmes par les États membres et réduire la part des partenaires externes, qui financent encore une part substantielle des programmes de l'organisation, notamment dans les domaines de la paix et de la sécurité.
À ce jour, une majorité d'États membres ont adopté le mécanisme et commencé à verser leurs contributions. Cela a permis à l'UA de financer intégralement son budget de fonctionnement et une partie de ses programmes. Cette avancée, bien que significative, cache cependant des disparités importantes et des défis structurels.
Les freins à une pleine autonomie financière
Plusieurs obstacles continuent d'entraver la marche de l'UA vers une totale indépendance financière.
Une mise en œuvre inégale
Le premier défi est l'application inégale du prélèvement de 0,2 %. Plusieurs grandes économies du continent tardent à intégrer pleinement ce mécanisme dans leur législation nationale ou accusent des retards dans leurs versements. Les raisons sont diverses : contraintes budgétaires nationales, lourdeurs administratives ou encore des réticences politiques liées à la perception d'une perte de souveraineté fiscale. Cette situation crée une incertitude budgétaire et fait peser une charge disproportionnée sur les pays les plus diligents.
La dépendance persistante dans les secteurs clés
Le budget de Paix et Sécurité, le plus coûteux, reste largement dépendant des financements externes, notamment de l'Union Européenne et des Nations Unies. Les opérations de maintien de la paix, comme la mission en Somalie (ATMIS), exigent des ressources colossales que le budget de l'UA ne peut couvrir seul. Cette dépendance pose un problème de fond : l'agenda de paix et de sécurité de l'Afrique peut-il être véritablement africain s'il est financé par des acteurs externes, qui ont leurs propres intérêts stratégiques ?
Les pistes pour consolider l'avenir
Face à ces défis, plusieurs pistes sont explorées. Certains experts plaident pour une diversification des sources de financement, en explorant des taxes sur les services financiers, le tourisme ou les télécommunications. L'idée d'un fonds de dotation africain, alimenté par des contributions du secteur privé et de la diaspora, gagne également du terrain. De plus, une plus grande rigueur dans la gestion des dépenses et une meilleure justification de l'utilisation des fonds sont exigées par les États membres pour renforcer la confiance et encourager les contributions régulières.
La quête d'autonomie financière de l'Union Africaine est un marathon, pas un sprint. Les progrès réalisés sont indéniables, mais le chemin reste long pour que l'organisation puisse pleinement assumer son rôle de leader sur le continent sans contraintes extérieures. La volonté politique des États membres, en particulier des puissances économiques régionales, sera le facteur déterminant pour transformer cette ambition en une réalité durable et consolider la souveraineté du continent africain.